Centrafrique Sorcellerie et expériences du temps
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Usages du passé, en Centrafrique et parmi les réfugiés au Tchad
Andrea Ceriana Mayneri
Depuis longtemps déjà, l’anthropologie a scruté l’historicité des faits de sorcellerie sur le terrain africain, tandis que des recherches plus récentes ont insisté sur la manière dont les représentations de la sorcellerie peuvent mettre en scène une mémoire d’événements passés (et notamment une mémoire de la traite esclavagiste et de l’entreprise coloniale). Cette contribution s’appuie sur des recherches ethnographiques en Centrafrique et parmi des refugiés au Tchad pour suggérer qu’une troisième voie peut être empruntée dans l’analyse. Les représentations de la sorcellerie participent en effet d’usages sociaux et culturels du passé (c’est-à-dire d’actes de remémoration ou réinvention du passé et de processus d’oubli) à travers lesquels la société centrafricaine « met en récit » son histoire comme une succession d’échecs et comme une trajectoire de déperdition de force et de pouvoir. Cet imaginaire de « la dépossession » est largement dominé par un schème persécutif, qu’on essayera de retrouver au cœur des affaires de sorcellerie présentés mais aussi dans les rhétoriques de l’autochtonie et dans l’instrumentalisation de repères identitaires qui soutiennent les violences meurtrières dans la région tchado-centrafricaine. L’exemple centrafricain permettra finalement d’éclairer notre usage de la notion de « dépossession » au regard de la théorie sociale classique mais aussi par rapport au tournant « nostalgique » en anthropologie.
About the Speaker
Andrea Ceriana Mayneri est anthropologue, docteur de l’Université d’Aix-Marseille (2010). Il a été successivement post-doctorant au Laboratoire d’anthropologie prospective de l’Université de Louvain-la-Neuve en Belgique (2011-2013), au Laboratoire d’anthropologie et d’histoire de l’institution de la culture à l’EHESS de Paris (2014), au département de la recherche et de l’enseignement du musée du quai Branly (2015-2016).
Depuis 2005, il interroge la mobilisation des catégories de la sorcellerie dans les usages actuels du passé et la construction de la mémoire en Centrafrique, en croisant l’enquête de terrain et l’analyse critique de matériaux d’archive. Dans ce pays il a également analysé le pluralisme médical à partir d’enquêtes menées auprès d’étudiants en médecine, ainsi que les dynamiques de fission et reconstitution de réseaux familiaux au travers d’enquêtes parmi les enfants de rues.
Depuis 2014, ces recherches se poursuivent au Tchad, parmi les communautés qui ont fui le conflit centrafricain. Elles visent à éclairer la manière dont un rapport au temps centré sur l’expérience de la dépossession peut croiser des discours de l’autochtonie et participer de l’instrumentalisation de repères identitaires qui soutiennent les violences meurtrières.
Il enseigne l’anthropologie à l’Université de N’Djamena au Tchad et a travaillé comme consultant pour de nombreux programmes et organismes humanitaires.
Venue: Room S2 (Maison de la Paix)
André Léopold Regnier