Surmonter le traumatisme du divorce

Divorcer ? Une procédure devenue banale à l’heure où un couple marié sur trois se sépare. Mais qui reste une épreuve traumatisante pour les ex-conjoints et leurs éventuels enfants. Conseils d’experts pour la surmonter au mieux.
Impossible de divorcer sans souffrir
La perte de tous ses repères
Une blessure intérieure
« J’ai l’impression de commencer à sortir d’une longue traversée du désert… », raconte Johanna. Pourtant, cette styliste de 44 ans, divorcée depuis deux ans, semble faire partie de ceux qui ont « réussi leur divorce ». Résidence alternée pour leurs deux enfants, partage de leurs biens… Avec son ex-mari, ils étaient d’accord « sur à peu près tout ». Et ont donc opté pour une séparation par consentement mutuel. Six mois plus tard, ils étaient divorcés. Et continuent aujourd’hui à entretenir des rapports cordiaux. « Mais ça été une grande claque. Ce sont quinze années de mariage et de projets communs qui se sont effondrés aussi rapidement qu’un château de cartes. Ma famille était détruite. J’ai dû partager mes enfants. Nous avons vendu notre maison. Et surtout, il a fallu réapprendre à vivre seule. Comme le simple fait de dormir sans personne à mes côtés m’a paru dur au début… Aujourd’hui, mes proches me parlent de rencontrer d’autres hommes, de refaire ma vie, mais je sens que je ne suis pas prête. Pas encore. »
Un couple marié sur trois (un sur deux en région parisienne) se trouve confronté, comme Johanna, à une procédure de divorce. Procédure devenue banale aux yeux de l’ensemble de la société mais qui reste traumatisante pour ceux qui la vivent. Une épreuve qui, pour la traverser au mieux, nécessite du temps et un travail de deuil.
Impossible de divorcer sans souffrir
Actuellement, on peut divorcer en quelques mois à peine. Mais toute séparation, même rapide ou d’un commun accord, est douloureuse. Pourtant, la possibilité, depuis début 2017, de divorcer par consentement mutuel, sans même passer devant un juge, ne permet-il pas aux couples d’hier de se séparer sans trop de dégâts ? Au contraire, selon Marie-Caroline Despax, médiatrice au Cerme (Centre de Recherche et de Médiation), à Toulouse. « Il est heureux que le divorce pour faute, si stigmatisant, soit désormais minoritaire. Mais le divorce par consentement mutuel peut être à l’origine de crises peut-être plus larvées mais pas moins explosives dans le temps ». En cause : le silence fait sur les raisons de la séparation du couple. « Celui-ci doit arriver devant le juge avec des accords sur tous les effets de la désunion : le mode d'accueil des enfants, la contribution à leur éducation, le partage des biens…-, alors qu’il reste un abcès terrible à crever. Avec ce type de procédure, les étapes de la séparation sont 'zappées'. Les deux partenaires n’ont pas les moyens de s’exprimer sur ce qu’ils ont traversé, sur leurs frustrations, leurs humiliations. Très souvent, l’un d’entre eux ressent de la culpabilité et va renoncer à certains droits, pour que tout se finisse vite, pensant que ce sera plus facile ». Résultat : le retour, quelques mois plus tard au tribunal de beaucoup de ces anciens couples, désormais en guerre. « Car rien n’a été travaillé, rien n’a été dit. »
La perte de tous ses repères
Et que de peurs, de ressentiments, d’attentes, sur lesquels s’exprimer ! Car un divorce, ce n’est pas seulement la fin d’un couple. La perte d’un conjoint. C’est aussi celle d’une famille, d’une belle-famille, des amis du couple souvent, qui se sentent obligés de prendre parti pour l’un ou pour l’autre… D’un monde, construit à deux ; d’un niveau de vie, considérablement diminué dans la majorité des cas. D’un idéal familial, aussi. Pour Patrick Estrade, psychothérapeute, « ce qui fait le traumatisme, ce n’est pas le choc mais l’onde de choc. Tout ce que l’on a mis en place comme habitudes, comme rituels, comme manières de faire, se trouve bouleversé ». A commencer par sa relation avec ses enfants. « Il faut renoncer à vivre avec eux au quotidien, c’est parfois très difficile à accepter, explique Marie-Caroline Despax. On n’a plus un accès libre, ouvert à ses propres enfants. »
Une blessure intérieure
Passer du « nous » au « je », c’est aussi perdre ce cocon conjugal, cette « maison couple » dans laquelle on pouvait se réfugier. « Lors d’une séparation, quand la maison est vendue, c’est le ventre mère qui est touché, avance Patrick Estrade. La maison nourricière, source de chaleur et de sécurité ». « J’avais l’impression d’avoir tout perdu, tout raté aussi », se souvient Paul, 52 ans, divorcé depuis cinq ans. Rares sont ceux qui se séparent sans un sentiment d’échec et de culpabilité. D’autant qu’un divorce porte atteinte à l’image, à l’estime que l’on a de soi. « Il y a ce sentiment d’être abîmé et que si l’autre nous quitte, c’est que l’on est indigne d’être aimé, continue le psychothérapeute. Mais c’est faux. On se quitte pour les mêmes raisons que l’on s’est mis en couple. Quand celui-ci se sépare, ce n’est pas l’amour qui est à mettre en cause, mais la relation ». Alors Patrick Estrade invite à faire preuve… « d’autocompassion » envers soi. « Il faut se dire que l’on est humain, que l’on peut faiblir, faire des erreurs. Adopter un regard tendre et compréhensif envers soi-même. Et sortir du déni et de la colère, tout en acceptant d’être dans le chagrin ».